Monsieur Aznavour : le biopic réussi du “plus grand des grands fantaisistes”

Le duo Mehdi Idir et Grand Corps Malade nous offre avec Monsieur Aznavour un portrait vibrant et intime du chanteur qui a marqué la chanson française de son empreinte inimitable. Porté par l’interprétation magistrale de Tahar Rahim, ce film nous plonge dans la vie de Charles Aznavour, ses débuts difficiles, ses rencontres, ses amitiés, et ses luttes pour prouver sa légitimité artistique.

Tahar Rahim crève l’écran 

Dès les premières scènes, Tahar Rahim parvient à captiver en incarnant littéralement Aznavour, grâce à une maîtrise remarquable de ses mimiques, de sa gestuelle, mais aussi d’un travail profond sur la voix. Rahim ne se contente pas de parler comme Aznavour, il chante également, restituant cette voix voilée et ce timbre unique qui ont marqué des générations. Cette performance intense nous rappelle les meilleures incarnations d’artistes, comme Jamie Foxx dans Ray. Rahim parvient ainsi à aller au-delà de la simple imitation pour invoquer l’essence même d’Aznavour, dans un équilibre subtil entre fidélité et interprétation personnelle. Il fait revivre Aznavour avec une authenticité telle que par moments, on pourrait se croire face au véritable chanteur. L’investissement de Rahim dans ce rôle est une réussite complète, offrant une incarnation touchante et immersive de ce grand artiste.

Une réalisation convaincante 

La réussite de Monsieur Aznavour tient également dans sa réalisation soignée et dans l’esthétique globale du film. Les plans de caméra, toujours justes, mettent en lumière les moments clés de la vie d’Aznavour, créant un rythme soutenu et immersif. La photographie, signée avec élégance, sublime le Paris d’avant et d’après-guerre, et chaque plan est travaillé pour nous transporter dans cette époque marquée par la résilience et la lutte. Le scénario, écrit avec justesse, nous mène des premières années de galère du chanteur aux sommets de sa carrière, sans jamais céder à la facilité ou aux clichés. Les moments de doute, les triomphes et les relations qu’Aznavour a tissées tout au long de sa vie sont abordés avec finesse, notamment son amitié intense avec Pierre Roche et sa relation complexe avec Edith Piaf. Chaque élément visuel et narratif vient renforcer l’émotion du récit, offrant une immersion totale dans l’univers d’Aznavour.

Charles Aznavour et le mythe de l’éternel insatisfait

Et si Charles Aznavour était atteint de bovarysme ? Parce que… (c’est pas une référence cachée, promis), oui notre chez Aznavour avait un sacré complexe d’infériorité et de légitimité, et pour le contrer, il travaillait jour et nuit, jusqu’à épuisement, pour atteindre les objectifs et les attentes immenses qu’il s’imposait. On entrevoit un aspect de l’artiste qui est assez méconnu du grand public : son insatisfaction chronique, moteur de sa réussite et de sa quête perpétuelle de reconnaissance. Le film illustre avec force cette dualité : un Aznavour ambitieux, prêt à tout pour atteindre les sommets, mais qui, malgré tout, ressent un vide intérieur. Le film souligne ce trait de caractère en utilisant deux scènes miroir, au début, puis à la fin du film : dans la première, Aznavour est au bord du gouffre, luttant pour percer ; dans la seconde, alors qu’il a tout pour être comblé, il éprouve un sentiment de vide face aux sacrifices qu’il a consentis. Son ascension ne s’est pas faite sans renoncements, et on découvre un homme qui a parfois négligé sa famille, ses amis, et même l’amour, qu’il chante pourtant si bien. Ce portrait d’Aznavour, en tant qu’artiste bourreau de travail, nous révèle un homme attaché à ses racines, qui n’a jamais perdu de vue d’où il venait, malgré les épreuves et la gloire.

Monsieur Aznavour est un hommage vibrant et touchant à une icône de la chanson française, transcendé par une performance d’acteur époustouflante, une esthétique soignée, et un scénario qui explore les facettes les plus intimes de l’homme derrière l’artiste. Ce film est une plongée émouvante dans la vie d’un homme complexe, un artiste exigeant et humble, toujours en quête de ce quelque chose d’inatteignable.