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Sincérité, brutalité, insouciance, espoir : Pourquoi L’Amour Ouf est une pépite du cinéma français ?

  • Tadaam
  • Oct 17, 2024
  • 4 min read

Adapté du roman Jackie Loves Johnser Ok? de l'écrivain irlandais Neville Thompson, publié pour la première fois en 1997, L'Amour Ouf de Gilles Lellouche est bien plus qu'une simple transposition à l'écran. Lellouche transforme cette histoire poignante en un voyage cinématographique captivant, ancrant son récit dans les années 80 avec une multitude de références culturelles. Dès les premières images, la photographie soignée et la dualité chromatique du film – entre bleu et rouge – introduisent les thèmes majeurs de l'œuvre : l'amour, la mémoire et l'épreuve du temps.


Une déclaration d’amour aux années 80


Avec L'Amour Ouf, Gilles Lellouch nous plonge dans un univers empreint de la nostalgie des années 80. Les clins d'œil à des films cultes comme Breakfast Club ou La Folle Journée de Ferris Bueller créent une atmosphère familière et réconfortante, tandis que la bande-son devient un fil conducteur émotionnel.


À l’instant même où l’on pose les yeux sur l’écran, impossible d’en détacher le regard une seule seconde : on est captivés par une esthétique visuelle frappante. La colorimétrie joue un rôle crucial : le bleu et le rouge ne sont pas seulement des teintes dominantes, mais des symboles qui incarnent la jeunesse et la maturité, l’insouciance et les douleurs accumulées au fil du temps. Le bleu, à la fois froid et électrique représente le souvenir du couple à l’adolescence, quand tout semblait encore possible. Quant au rouge, lui, symbolise la passion et les épreuves que les protagonistes traversent tout au long de leur vie. 


De Dublin à Lomme : un paysage social vibrant 


Gilles Lellouche transpose l’histoire de Neville Thompson, initialement située à Dublin, dans le nord de la France, un choix qui ancre le film dans un contexte social et géographique fort. Clotaire, incarné par François Civil, est issu d’une famille nombreuse : une mère qui enchaîne les grossesses, un père distant et désillusionné qui s’épuise pour un travail dont il ne tire aucune reconnaissance; une fratrie qui le noie dans l’indifférence. En bref, tous les ingrédients d’un paysage familial et social compliqué qui pousse le jeune homme dans la délinquance. Jackie, jouée par Adèle Exarchopoulos, vit seule avec son père à la mort de sa mère. Une vie tranquille et banale, enveloppée par le deuil, la mélancolie mais aussi l’amour inconditionnel que son père lui porte - on salue d’ailleurs le jeu doux et pudique d’Alain Chabat qui vient teinter les échanges père-fille de beaucoup de tendresse et de réalisme. 


Les vies des deux protagonistes se croisent enfin, dans une romance adolescente empreinte d’insouciance. Lellouche capture cette énergie propre à la jeunesse, celle qui croit que l’amour est la seule chose qui importe, que les lendemains sont loins et sans conséquences. Mais, comme souvent, la réalité finit par nous rattraper, et cela n’a pas fait défaut à nos personnages.



Désillusion et la quête de rédemption


L’Amour Ouf est un grand film sur l’espoir. Et comme dans toute histoire d’amour, il faut des hauts et des bas. Après les premiers émois et le bonheur de trouver chez l’autre ce qui manque chez soi, vient la désillusion. Clotaire, mal dans sa vie, cherchant désespérément un but et du sens à son existence, sombre dans la délinquance. À 18 ans, sa vie bascule. Il est accusé d’un crime, le seul qu’il n’a pas commis. Après 12 ans de prison, une ellipse narrative nous fait retrouver des personnages changés, chacun cherchant un sens à sa vie. Jackie tente de se reconstruire avec Jeffrey (Vincent Lacoste), un homme superficiel et désagréable qui représente tout ce que Clotaire méprise. 


Le retour de Clotaire dans la vie de Jackie déclenche une quête de rédemption et de réconciliation. Deux éclipses solaires rythment le film, symbolisant les moments-clés de rupture et de retrouvailles entre les deux protagonistes. Ces éclipses, à la fois cosmiques et métaphoriques, ajoutent une profondeur poétique à cette histoire d’amour mouvementée.



Gilles Lellouche célèbre l’amour là où Neville Thompson choisit la fatalité


Ce qui distingue L'Amour Ouf de son matériau d'origine, c’est le choix audacieux de Gilles Lellouche de transformer un récit sombre et fataliste en une célébration de l’amour. Alors que le livre de Neville Thompson explorait la déchéance de son héros, Lellouche offre une vision plus lumineuse. Le film propose deux fins : l’une où Clotaire continue dans son cycle destructeur, l’autre où il choisit l’amour plutôt que la haine.


Ce basculement vers l’espoir est ce qui rend le film si puissant et bouleversant. L’amour, bien que fragilisé par les épreuves de la vie, demeure la force qui permet aux personnages de se reconstruire.



Une réalisation brillante et une B.O magistrale


Si le scénario brille, la réalisation n’est pas en reste. Lellouche parvient à capturer l’essence d’une époque et d’une émotion avec une maîtrise impressionnante. Les plans, la photographie et l’utilisation subtile de la musique contribuent à faire de ce film une expérience sensorielle complète. La bande-son, sans jamais tomber dans l’excès d’une comédie musicale, accompagne le spectateur à travers les différentes étapes de l’histoire. Elle rappelle par moments l’influence de West Side Story ou encore des Affranchis de Scorsese, en utilisant la musique comme un vecteur d’émotion, et non simplement comme un accompagnement.


L'Amour Ouf n’est pas seulement une histoire d’amour. C’est une fresque sociale, une exploration de la dualité entre jeunesse et maturité, entre lumière et obscurité. Avec des performances remarquables de François Civil et Adèle Exarchopoulos, et une réalisation maîtrisée, ce film se pose comme une œuvre incontournable du cinéma français contemporain.


Lellouche, en choisissant de célébrer l’amour là où d’autres auraient préféré une immersion dans la brutalité, la violence et d’autodestruction, nous rappelle que, parfois, l’espoir et l’amour triomphent du chaos. Un film bouleversant, vibrant et indispensable.

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